Une description détaillée des caractéristiques moléculaires de la plante transgénique est nécessaire pour montrer que le promoteur du projet a analysé de manière critique la plante et ses différents produits, y compris tous les nouveaux gènes et protéines. La méthode d’introduction des caractères nouveaux dans la plante hôte détermine en partie les éléments d’information requis pour l’évaluation de la biologie moléculaire de cette plante. Les deux principales méthodes d’introduction d’un nouveau matériel génétique dans les cellules végétales sont le bombardement au moyen de microparticules et la transformation par Agrobacterium (F2)(F3)(F4)(F5)(S1)(S2)(F6).
Agrobacterium tumefaciens est un agent phytopathogène du sol qui utilise des processus de recombinaison génétique pour déstabiliser le métabolisme des cellules du végétal hôte. De cette manière, il détourne une partie de l’apport en carbone et en azote organiques de l’hôte pour produire des nutriments (opines) qui peuvent être spécifiquement catabolisés par la bactérie envahissante. Il stimule aussi la prolifération des cellules parasitées et la tumeur de la galle du collet qui en découle est un résultat direct de l’incorporation d’une région de l’ADN de transfert (ADN-T) provenant d’un plasmide circulaire de grande taille (150-250 kB) appelé plasmide Ti, transporté par A. tumefaciens dans le génome du végétal hôte.
C’est la compréhension de ce processus naturel de transformation et du fait que tout ADN étranger placé entre les séquences d’ADN-T de bordure pouvant être transférées dans les cellules végétales qui a conduit à la construction du premier vecteur et des premiers systèmes de souches bactériennes destinés à la transformation des végétaux. Depuis le premier enregistrement de gènes étrangers codant un plant de tabac transgénique, de gros progrès ont été réalisés dans la connaissance du transfert de gènes par Agrobacterium au niveau moléculaire. A. tumefaciens infecte naturellement uniquement les dicotylédones et les méthodes utilisées par Agrobacterium pour transférer des gènes dans les monocotylédones vient seulement d’être mis au point pour le riz, la banane, le maïs, le blé tendre et la canne à sucre.
La transformation par Agrobacterium de tissus végétaux entraîne généralement un nombre peu élevé de copies du transgène, des réarragements minimaux et une plus grande efficacité de la transformation que les techniques de libération directe d’ADN telles que le bombardement au moyen de microparticules.
Jusqu’en 1995, on considérait en général que les séquences comprises entre les extrémités gauche et droite de l’ADN-T étaient les seuls éléments transgéniques transférés dans l’hôte receveur. Ramanathan et Veluthambi (1995), Wenk et al. (1997) et Kononov et al. (1997) ont tous montré que les séquences du squelette plasmidique au-delà des extrémités de l’ADN-T pouvaient également être intégrées avec les gènes considérés. Des expériences menées par Kononov et al. (1997) ont montré que les séquences du squelette plasmidique pouvaient être intégrées dans le génome hôte accompagnées des séquences de l’extrémité droite ou gauche ou en tant qu’unité indépendante non liée à l’ADN-T. Les séquences du squelette qui relient l’ADN-T et l’ADN de l’hôte semblent être particulièrement délétères pour l’expression génique, une observation appuyée par les conclusions des auteurs qui ont constaté que les fragments du squelette isolés de l’ADN-T s’accompagnaient de transgènes d’expression stable.
Les végétaux transformés individuellement avec le même plasmide présentent fréquemment des niveaux d’expression différents, un phénomène qui n’est pas toujours corrélé avec le nombre de copies. Certains ont plutôt attribué l’expression différentielle des transgènes à des « effets de position » selon lesquels la position du site d’intégration de l’ADN-T dans le génome hôte affecte le niveau de l’expression des transgènes. Cependant, d’autres chercheurs ont montré que des facteurs supplémentaires ou autres que la position du site d’intégration contribuent au niveau de l’expression des transgènes. C’est notamment le cas des arrangements variables que peuvent prendre les séquences transgéniques dans le génome hôte.
L’ADN-T peut s’intégrer dans le génome hôte selon des configurations autres qu’une copie unique en un seul site. Plusieurs copies de séquences répétées directes ou inverses ainsi que d’autres configurations complexes peuvent également se rencontrer. La présence d’inserts de multimères d’ADN-T, notamment de structures répétées inverses, est fortement associée au phénomène de mise sous silence du transgène.
L’expression variable des transgènes ou la mise sous silence des gènes est un phénomène ubiquiste chez les plantes transgéniques, qu’elles soient produites par assimilation directe de l’ADN ou par transformation par Agrobacterium. La mise sous silence d’un gène peut résulter d’interactions entre plusieurs copies des transgènes et les gènes endogènes associés ; elle est liée à des mécanismes reposant sur l’homologie qui agissent au niveau transcriptionnel ou post-transcriptionnel. La mise sous silence qui résulte d’une anomalie au moment de l’initiation de la transcription est souvent associée à la méthylation de la cytosine et/ou à la condensation de la chromatine, tandis que la mise sous silence post-transcriptionnelle (co-suppression) entraîne un meilleur renouvellement de l’ARN dans le cytoplasme.
Une troisième catégorie de mise sous silence a également été proposée pour expliquer les conséquences des effets de position lorsque l’ADN des végétaux avoisinants et/ou la localisation chromosomale défavorable ont cet effet sur le transgène. Selon Matzke et Matzke (1998), ce type de mise sous silence reflète l’état épigénétique des séquences de l’hôte voisines du site d’insertion ou la tolérance de régions chromosomales particulières à l’insertion d’ADN étranger.